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Education : un chemin pavé de bonnes intentions…

Education : un chemin pavé de bonnes intentions…

L’EDUCATION….  Ce mot, tout le monde le connait, tout le monde l’emploie… Chacun a sa petite idée sur la question sans pour autant pouvoir y apporter une définition précise. Selon le regard qu’on y jette, ce mot permet les interprétations les plus folles.

A travers les âges sa définition n’a cessé d’évoluer sans jamais faire l’objet d’un consensus universellement acceptable. Ce chemin que tout le monde empreinte est souvent pavé des meilleures intentions mais, comme le proverbe l’affirme, l’enfer l’est aussi… 

Aujourd’hui, de profonds changements sociétaux chamboulent une nouvelle fois les croyances et les repères que nous avions sur le sujet. Est-il possible d’y voir plus clair ? Quelles sont les acteurs de premier plan qui interviennent dans l’éducation ? Quelles sont les paradigmes qui guident leurs interventions ? Tout cela est-il contradictoire ? Ou au contraire complémentaire ? 

L’évolution de la société : 

Le monde dans lequel nous vivons véhicule son lot de valeurs, de croyances et de repères qui participent à la cons truction de l’individu dès son plus jeune âge. Depuis quelques décennies nous voyons notre société changer de manière considérable et ce, par l’évolution des nouvelles technologies, des modèles familiaux, des modèles économiques,….  Cette mutation extraordinairement rapide n’épargne pas  la notion d’éducation. Cela génère doute, perplexité et contribue au creusement d’un fossé sans cesse plus grand entre des générations qui n’arrivent plus à se comprendre.

La société moderne : ses caractéristiques :

Le monde moderne, tel que défini par les sociologues, est né avec les philosophes des lumières. Il a vu triompher la rationalité, la raison, et a permis une grande production de savoir et de connaissance qui engendra également une période d’industrialisation massive (XIXème et XXème siècle). 

Voilà quelques caractéristiques qui nous permettraient de mieux comprendre l’impact de la société moderne sur notre vision du monde et de l’éducation :

  • La rationalité : dans le monde moderne, savoir et  raison se sont imposés face aux coutumes, aux traditions, aux croyances qui régissaient la société traditionnelle. 

Le savoir libère l’homme… 

  • Un schisme est apparu entre le monde de la raison (objectif) et le monde subjectif. La rationalisation s’est imposée dans tous les domaines : les sciences, l’économie, l’éducation,… Dans cette démarche rationnelle, il n’y a plus de place pour l’intuition, l’affectivité, les sentiments. L’être humain n’échappe évidemment pas à cette règle, la démarche scientifique sépare l’observateur, le sujet, de sa subjectivité, de ses sentiments,… tout est affaire d’observation, d’expérimentation, de neutralité.

C’est cette vision du monde qui amena un développement exponentiel dans de nombreux domaines scientifiques, technologiques, économiques, … Cela  permit la naissance de l’ère industrielle.

  • L’éclatement des savoirs, l’ère de la spécialisation : Comme mentionné plus haut, cette période a vu une accumulation inédite jusqu’alors des connaissances et des savoirs. Par ailleurs, cette évolution a été réalisée dans de nombreux domaines, de manière spécifique et séparée. Chaque domaine (les sciences, l’économie,…..) s’est développé comme une branche oubliée de son tronc. La grande accumulation des savoirs rend très compliquée la création de ponts, de lien entre les matières. 

Nous nous voyons entrer dans un monde éclaté, sans principe unificateur, c’est l’ère de la spécialisation. 

La société moderne a induit une vue parcellaire du monde, sans réelle vision globale…. Métaphoriquement, nous pourrions dire que cette vision du monde nous a permis de comprendre l’arbre dans toutes ses spécificités, ses caractéristiques mais sans avoir une vision globale de la forêt dont il est issu, sans prendre en compte ses interactions avec celle-ci et les autres éléments qui la composent.

Aujourd’hui, Les mutations de la société moderne : 

De nombreux sociologues sont d’accord : depuis les années 70, notre société est en train de muter, de changer. Nous entrons dans une nouvelle ère. Certain l’appelle la « postmodernité », d’autres « la nouvelle modernité » ou encore « le monde naissant ». Par ailleurs, chacun s’accorde sur le fait que ces changements ont un grand impact sur nos institutions mais aussi sur nos jeunes et nos familles qui naissent, grandissent et évoluent dans ce nouveau monde. 

En rapport aux caractéristiques de la modernité telles qu’évoquées plus haut, quel est l’impact de ces changements sur les différentes instances de l’éducation ? 

La famille : 

Dans l’ère moderne, la famille fonctionne comme une mini société où la solidarité, le sacrifice et l’entraide  sont de mise et restent des valeurs importantes. Le bien-être collectif de la famille passe avant le bien-être individuel. 

Les liens affectifs, les relations intrafamiliales ainsi que les rituels organisés dans l’intimité de la sphère familiale permettent aux enfants de grandir, d’évoluer et de devenir des adultes intégrés à la société. La famille permet également l’expression de leur personnalité et de leur singularité. 

Les membres de la famille ont un rôle relativement défini. Le père y assure la sécurité financière. Dans cette société patriarcale, il exerce une autorité descendante à laquelle les autres membres se soumettent. La femme occupe souvent un rôle éducatif auprès des enfants, elle leur offre une sécurité affective et gère la plupart du temps l’organisation du foyer familial.

Dans ce contexte sociétal, il y a peu de divorce, le mariage a une fonction sociale, qui va au-delà de l’amour entre l’homme et la femme. Le mariage permet un rapprochement entre deux familles et favorise parfois une élévation dans la société. 

La place de l’enfant est également différente. Le taux de mortalité étant plus important qu’aujourd’hui, il est plus difficile pour les parents de se projeter dans l’avenir avec lui. Il est souvent une force de travail non-négligeable et les familles nombreuses sont la norme (il n’existait pas de moyens de contraception), les enfants s’inscrivent dans une lignée familiale, l’éducation est basée sur l’obéissance et l’autorité.  

De profondes modifications sont à l’œuvre aujourd’hui,  la famille traditionnelle a explosé et de nouveaux modèles d’organisation familiale ont vu le jour : la famille recomposée, monoparentale, homoparentale. Cela peut en partie être expliqué par l’importance accrue accordée par notre société au bien-être individuel, à l’émancipation, à la réalisation personnelle. L’union entre deux personnes doit être le fruit d’un amour et doit être source émancipatrice. Si cela n’est pas ou plus rencontré, le choix de la séparation devient inévitable. 

L’enfant connait une place très différente aujourd’hui, il est le plus souvent l’expression d’un choix et d’un amour conjugal. Le taux de mortalité infantile étant très bas, les parents peuvent se projeter dans l’avenir avec celui-ci. L’enfant est un sujet à part entière qu’il faut protéger, chérir, aimer afin qu’il puisse se réaliser, développer sa personnalité et devenir « lui-même ». 

L’éducation exercée par la famille est dévolue à la poursuite de cet objectif et modifie fortement la relation parents-enfants. Les repères du monde moderne volent en éclat et amènent leur lot de doutes et de désillusions.  

L’autorité, tente à changer de forme. Les questions se bousculent : Quelle est la meilleure éducation ? Doit-on frustrer son enfant ? Quid des sanctions, des règles et des limites ?  Tant de questions qui engendrent parfois les plus folles interprétations et des effets indésirables (ex : l’enfant « roi », explosion du TDAH,…). 

L’école : 

Le monde scolaire n’échappe pas à cette évolution sociétale et se trouve aujourd’hui face à une crise identitaire qui génère bien des enjeux pour l’avenir.  

Si l’on peut considérer que la post-modernité est déjà bien entrée dans les familles, il n’en va pas de même pour l’école qui reste encore un lieu fonctionnant avec les caractéristiques du monde moderne. 

En effet, son rôle et sa fonction dans notre société ont été modelés durant l’époque des lumières. Elle devait permettre, au-delà de la transmission d’un savoir, d’intégrer les enfants dans la société et ce, de manière plutôt indifférenciée. Par ailleurs, une des finalités était d’endiguer les inégalités sociales en utilisant un modèle pédagogique similaire pour tous, quel que soit la classe sociale d’où on provient. 

Dans ce modèle, tout particularisme est proscrit, l’enfant doit apprendre à se fondre dans la société.  On y apprend un savoir morcelé. Il n’y a pas, ou très peu, de lien entre les matières apprises. L’école actuelle est encore fortement focalisée sur une dimension instrumentale de la formation, sur les matières de l’enseignement, la technologie de l’apprentissage et l’évaluation (Pourtois, Desmet, 1997). 

Poutois, Desmet, 1997

L’école s’intéresse peu au monde dans lequel l’enfant et la famille sont insérés. Les dimensions psychopédagogiques, culturelles, économiques,… sont peu prises en compte.  

Aujourd’hui, cette société en mutation laisse les enseignants démunis et remplis de questions face à ces bouleversements sociétaux et l’impact que cela a sur la jeunesse. Il n’est pas rare d’entendre les professeurs se plaindre du manque d’éducation de leurs élèves, estimant qu’on leur demande plus que ce que leur fonction demande : éduquer, ce n’est pas mon rôle, les parents sont désinvestis,… Une perte de confiance est à déplorée entre  la Famille et l’institution scolaire. Chacun se replie dans ses croyances et fonctionne dans des mondes régis par règles différentes. L’incompréhension risque de s’amplifier  si aucun pont n’est créé entre la famille et l’école.

Les convictions d’hier sont ébranlées : Quelle est le rôle de l’école dans l’éducation d’un enfant ? L’école doit-elle changer ? Comment ?

Les enjeux de l’éducation :

A la lumière de tous ces éléments, nous pouvons voir plus clairement les nombreux défis que devra relever notre monde futur.  Un nouveau modèle sociétal est en train de s’imposer et avec lui, de nombreux repères sont ébranlés. Cette nouvelle société est-elle meilleure ? Ou au contraire, sonne-t-elle le glas d’une civilisation décadente ? 

Peut-être est-il important de ne pas penser les choses de manière manichéenne. Les sociétés évoluent, changent…. Comprendre ces mutations et leur complexité est une étape importante qui permet l’adaptation, le changement.  

Comment aider les différentes générations à pouvoir s’entendre, se comprendre ?  Comment redéfinir la notion d’éducation ?

Un risque de rigidification des pensées et des postures est à craindre. Plus encore aujourd’hui, dans le contexte d’insécurité dans lequel nous vivons (explosion du chômage, crise financière, menaces terroristes,..). Le danger est que ces phénomènes peuvent engendrer un repli sur soi,  une augmentation des pensées extrémistes, un enfermement dans « sa vérité » sans réellement appréhender la grande complexité de tout cela. 

L’école ne doit-elle pas jouer un rôle de premier plan auprès de nos enfants afin de les aider à mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent ? Son fonctionnement même ne doit-il pas changer ? De nombreux auteurs posent également la question.

Le mode de transmission du savoir, les filières de relégation, la primauté des sciences dites « exactes », la prise en compte de l’enfant dans sa dimension psychologique, sociale et culturelle, devrait faire l’objet d’une réflexion afin de replacer plus adéquatement l’école dans le champ de l’éducation et aider   les générations futures à relever les défis qui les attendent.

BiBLIOGRAPHIE :

  • POURTOIS Jean-Pierre et DESMET Huguette, L’éducation postmoderne (1997), paris, PUF. 
  • GAILLARD Jean-Paul, Enfants et adolescents en mutation (2009), fr, ESF. 
  • BLAIS Marie-Claude, l’éducation est-elle possible dans le concours de la famille ? (2008), Yapaka, collect. Temps d’arrêt. 
  • POURTOIS Jean-Pierre et DESMET Huguette, L’éducation implicite (2004), Paris, PUF.
  • RIZZO John, Sauvez l’école ?(2015), Hévillers, KER éditions
  • NELSEN Jane, La discipline positive (1981), Paris, éditions du Toucan.
Micka